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Station de SkiBromont
Québec. 3 Février 18 : 30
Claire, des skis
sur l’épaule, monte un escalier de métal rouge parsemé de neige tassée qui
couine sous ses pas.
Devant elle
s’étend une grande étendue blanche striée en tous sens par les traces de skis
des sportifs qui se pressent vers les télésièges.
Devant l’entrée
des remontées mécaniques, un homme d’un certain âge attend. Il est entouré de
deux gardes du corps cachés derrière des lunettes opaques.
Claire s’avance
vers cet homme qui n’est autre que son patron, Mr Carpenter.
Avant de pouvoir
l’approcher pour lui parler, l’un des gardes du corps s’interpose devant elle.
- Réjean! Tu ne me reconnais pas? dit sur un ton
excédé Claire.
L’homme tend sa
main ouverte devant lui.
- Il me faut votre cellulaire docteur Chagnon.
Claire est
surprise et s’apprête à lui répondre lorsqu’elle voit Mr Carpenter surgir
de derrière lui.
- Donnez-lui tout ce que vous avez comme matériel
électronique Claire. S’il vous plait.
Réjean ouvre un
sac noir dans lequel Claire jette son cellulaire avec son oreillette.
Réjean referme le
sac et fait un signe vers Claire pour l’inviter à passer.
- Ne vous inquiétez pas, vous les retrouverez à votre
retour.
Claire se demande
pourquoi ils voulaient son cellulaire. Peut-être y a-t-il eu des fuites au
laboratoire et qu’ils pensent qu’elle peut être impliquée? Ils vont démonter
son téléphone pour regarder ses appels? Peut-être y a-t-il un mouchard dans son
téléphone? Peut-être qu’elle va avoir un nouveau téléphone de dernière
génération?
Elle met ses skis
et suit Mr Carpenter dans l’allée pour les télésièges.
Arrivé au siège,
un jeune planchiste s’approche pour embarquer avec eux sur la chaise.
Mr Carpenter
l’arrête de la main.
- Jeune homme, je préfèrerais que vous preniez la
remontée suivante.
Le jeune a un
instant de surprise.
- Le vieux, j’ai fait la ligne comme vous autres,
alors le siège c’est le mien aussi, dit-il en poussant Mr Carpenter pour
s’avancer sur la zone d’embarquement.
Ils embarquent ensemble
sur le télésiège et un préposé leur lance innocemment un « Bonne
descente » joyeux.
Durant la montée,
l’ambiance est un peu tendue.
Claire, assise
entre les deux hommes, se tourne vers Mr Carpenter.
- Puis-je vous demander ce que nous faisons dans
cette chaise monsieur?
- Nous allons skier, ma chère. Vous n’aimez pas cela?
- Si, répond Claire un peu prise au dépourvu.
Mr Carpenter, le visage à moitié caché sous
une cagoule d’isolation, arbore un petit sourire.
Claire marque un temps d’arrêt en regardant les
canons à neige propulser les flocons sur les pistes, en contrejour des
lampadaires aux lumières orangées qui permettent aux skieurs de descendre les
pistes le soir. Claire se sent comme dans un rêve, elle se laisse petit à petit
gagner par cette déconnexion qui s’opère au fur et à mesure de la montée.
Le reste de la montée s’effectue dans un silence
quasi religieux.
Un panneau rouge arborant un idéogramme pour
relever la barrière de sécurité annonce l’arrivée prochaine du débarquement.
Nos occupants se préparent pour quitter le siège.
La chaise se rapproche du ponton et le jeune baisse
ses lunettes pour quitter le siège.
Claire coince un de ses bâtons de ski entre le
marchepied et la sangle arrière de la planche du jeune, ce qui lui fait perdre
l’équilibre.
Il tombe de tout son long sur le sol dur puis roule
ridiculement en bas de la petite pente douce pour sortir de la zone du
débarcadère.
Ses amis qui l’attendaient rient de le voir le
visage dans la neige.
Un préposé aux chaises arrête aussitôt la machine
et se précipite vers la victime.
Claire et Mr Carpenter descendent à leur tour
et Claire glisse discrètement avec un de ses skis sur la main du jeune homme
qui hurle plus de peur que de mal.
- Oh! Excusez-moi. Je ne maitrise pas très bien, lui
lance-t-elle avec un air malicieux.
Vexé, le jeune homme repousse le préposé avec
véhémence.
Ses amis, persiflant à son égard, viennent le
relever.
Claire rejoint Mr Carpenter au coin de la
Toronto. Ils skient un petit peu quittant les pistes les plus courtisées pour
se rendre dans les moins fréquentées, en passant par la Vancouver, puis la Pebble
Beach, la San Francisco, la Santa Cruz où monsieur Carpenter s’arrête à la
hauteur du sous-bois la Napa.
Claire vient s’arrêter près de lui.
Elle relève ses lunettes en expirant fortement afin
de reprendre son souffle.
- Merci.
- Mais de quoi?
- De me faire penser à autre chose.
Mr Carpenter ne répond pas, il regarde le haut
de la cime des arbres enneigés qui se perdent dans la nuit.
- Je voulais que l’on ait une entrevue discrète sans
oreilles indiscrètes.
Claire se rend compte que l’invitation est toujours
liée au travail.
- Vous avez des soupçons? C’est pour ça que vous
m’avez retiré mon cellulaire?
- Pas contre vous, rassurez-vous. Mais, j’ai comme la
vague impression que mon fils, Hervé, entretient des liens étroits avec notre
amie la Française, dit-il soudain.
- Des liens... laisse trainer Claire.
- Platoniques, on s’entend, répond monsieur Carpenter
avec un petit sourire.
Cet humour laisse
Claire totalement froide.
- Je crois qu’il l’aide à retrouver ce que nous
cherchons. Et j’ai l’intuition qu’elle sait où cela se trouve.
- Parfait. Allons la voir pour…
- Non, non pas tout de suite. Attendons de voir ce
qu’elle trouve. Laissons-la avancer et trébucher sur les embuches et une fois
qu’elle aura atteint son but, je veux que vous soyez là.
- Je ne serais jamais très loin, Monsieur, répond
Claire en serrant les dents.
- Je n’en doute pas ma chère. En attendant, nous
sommes ici pour skier, alors…
Il repart dans la pente en slalomant entre des
piquets imaginaires.
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Belle saison de ski et... bonne lecture !